Il est 8h30. On est lundi. Tu ouvres les yeux doucement. Tu as bien dormi, tu t’es reposée. Pour une fois, tu es à 100 %.
Pas une seule pensée intrusive pour venir grignoter ton énergie. T’as même un fond de motivation en bonus. Tu fais ton petit déjeuner, tu t’habilles, et tu t’empresses de partir.
Tu sors de chez toi. Tu croises ton voisin. Tu lui demandes comment il va. Il répond « Ça va, et toi ? » Mais tu le sais. Tu l’as vu. Cette micro-expression... Il ne va pas bien. Petite décharge. Rien de grave. Tu continues. Tu descends dans les transports. Il est 9h20. Tu es à 92 %.
Le métro est bondé. Un enfant pleure, une femme parle trop fort au téléphone, et un homme passe tout juste à côté de toi… le parfum de ton ex. Une mémoire olfactive plus puissante que mille souvenirs.
Tu tournes la tête, regardes par la vitre. Tu inspires profondément. Tu arrives à destination. Tu es à 80 %.
À peine franchi le seuil du travail, une tension dans l’air te saisit. Ce n’est pas la température, ni une odeur. C’est autre chose, plus subtil. L’atmosphère est pesante. D’expérience, tu sais que lorsque ton corps perçoit ça, c’est qu’il s’est passé quelque chose. Tu cogites. Tu analyses tout autour de toi. Tu sais qu’il y a quelque chose mais quoi ? Tu passes. Tu continues ta journée. Plus tard, tu apprendras qu’une collègue s’est faite licencier dans la matinée. Les circonstances sont douteuses. Personne ne s’y attendait. Bref. Tu t’installes à ton bureau. Tu es à 72 %.
Midi. Pause déjeuner. Tu scrolles machinalement. Une vidéo de Gaza. Un enfant qu’on sort des décombres. Ta gorge se serre. Tu fermes l’appli. Tu ne voulais pas voir ça. Te voilà à 51 %.
Réunion de 14h. Ton pantalon qui te serre à la taille depuis le déjeuner. Tu n’es pas à l’aise. Tu repenses à ce matin, quand tu hésitais entre deux tenues. Tu aurais dû mettre l’autre. Pas la peine de ruminer. Reste concentrée.
Mais c’est moi où c’est la troisième fois qu’on me coupe la parole. Ton collègue enchaîne avec une remarque passive-agressive. Tu te mets en mode silencieux. Tu es à 37 %. Pas assez d’énergie pour répondre. De plus, t’as un rendez-vous important en fin de journée.
15h45. Pause. Tu sors prendre l’air. Besoin d’être seule, de respirer, juste cinq minutes. Tu reviens doucement à toi. Un bon bol d’oxygène. Tu es à 44 %.
17h. Fin de journée.
Le rendez-vous. On te dit que tu es rayonnante, que ta présence fait du bien. Tu souris. Tu dis merci. Mais au fond de toi, t’as qu’une envie : retourner dans ton cocon.
Tu es à 31 %. Tu fais encore bonne figure. Tu écoutes plus que tu ne parles. Pas assez de batterie pour bavarder. Mais tu poses quelques questions. Histoire de maintenir la conversation.
Sur le chemin du retour, les lumières t’agressent. Les phares de voiture, les néons des vitrines… tout est trop. Tu te dis que t’aurais dû mettre tes lunettes anti-lumières bleues. Mais tu les as oublié. Quelqu’un fume à côté de toi. Ton ventre gronde. Tu dois encore organiser ta journée de demain. Et vivement que tu retires ce pantalon. Tout commence à sacrément t’irriter. C’est normal. Tu es à 9 %.
Tu arrives chez toi. Tu enlèves tes chaussures. Tu te diriges directement vers la salle de bain. Une douche bien chaude. Vingt minutes sous l’eau, immobile. Tu repasses ta journée en silence.
Puis comme un rituel, tu remets cette journée au passé. À chaque jour suffit sa peine, comme on dit si bien. Demain est un autre jour, comme se le répète tous les soirs votre go avant de se coucher.
Extinction des feux. Il lui reste 5%.
Voici une journée ordinaire dans la peau de Divine. Et Dieu seul sait à quel point sa sensibilité lui est énergivore.
À toi, l’hypersensible, sache que ta façon de ressentir est une force, même quand elle pèse lourd.
Tu n’inventes rien. Tu perçois ce que d’autres ne voient pas. Tu portes des choses invisibles, et pourtant bien réelles.
Non, tu n’es pas “trop”. Tu es juste intense, vraie, à vif parfois. Et ça fait de toi une personne rare. Repose-toi. Préserve-toi.
Tu n’as rien à prouver. Et tu n’es jamais seul. Je suis là.
Divine